Le sourire d’Eva, les yeux de Justinio

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Mon cœur est gros au moment de quitter Eva et Justinio.

Ici, la terre est aride. Peu de choses poussent. Justinio et Eva sont cultivateurs de quinoa, à peu près la seule plante qui peut vivre dans ce climat. Mais la nature est parfois féroce, et malgré les pousses géantes de quinoa que Justinio et Eva ont gardées de précédentes récoltes et exposées dans leur cuisine en guise de grigri pour leur porter chance dans les saisons futures, cela fait 2 ans que la production est nulle : la sécheresse extrême a brûlé tous les plants en 2016 ; alors en 2017, Justinio et Eva ont semé des graines sur un côteau. Là, au moins, la terre est plus humide… mais cette fois-ci, c’est le vent, dévastateur, qui a soulevé la terre, engloutissant les jeunes pousses.

Il y a bien des aides de l’état quand même pour protéger les agriculteurs dans ces cas-là ? Oui bien sûr. Justinio et Eva ont reçu l’équivalent en bolivianos d’un kilo de quinoa…

Alors comment faire pour survivre ?

Les enfants ? Tous vivent encore à la maison. Beker a suivi une formation de mécanicien mais il n’a pas trouvé de travail. Partout, on lui demande 3 ans d’expérience. Il ramène un peu d’argent à la famille en jouant de la musique. César a dû arrêter ses études de tourisme, faute d’argent. Adrien vient de finir l’école et voudrait faire une école de tourisme ou de cuisine, mais pour l’instant, il aide d’autres agriculteurs à récolter du quinoa. Paula, 16 ans, veut être esthéticienne ou coiffeuse. Elle ira peut-être chez son oncle et sa tante en Argentine pour étudier. Luis n’a que 12 ans. Il faudra compter sur de bonnes récoltes pour lui permettre d’assouvir son rêve de devenir Chef cuisinier.

Alors, comment font-ils avec 5 enfants à charge ? Jusqu’à présent, ils avaient un grand stock de quinoa, qui leur a permis d’assurer une grande partie de leur alimentation. Celui-ci est maintenant écoulé.

Justinio m’explique que dans sa communauté (environ 35 familles regroupées dans le petit village de Santiago), l’entre-aide est naturelle. Il me parle de son voisin qui n’avait plus de légumes. La communauté lui en a donné. Il remboursera plus tard, quand la récolte sera plus favorable.

La vie est difficile mais pour rien au monde Justinio ne quitterait cette terre qui l’a vu naître. Dans ces conditions, et à quelques kilomètres du salar d’Uyuni, lieu le plus visité de Bolivie, le tourisme représente une grande opportunité.

Et les merveilles à visiter dans la région ne manquent pas… Passionné par sa terre natale, Justinio nous fait découvrir un site d’archéologie inconnu du public à quelques kilomètres de chez lui. Nous sommes atterrés d’entendre le combat des populations locales pour valoriser ce site. Le ministère de la culture est sourd aux demandes d’aide des communautés. Pas d’argent pour protéger le site. Pas d’argent pour initier des fouilles. Même pas de temps en fait pour se déplacer sur le site… il faudra une rencontre fortuite avec des archéologues argentins perdus dans le village de Santiago pour initier la renaissance du site. Mais bureaucratie oblige, il faut 7 ans de tractations avec le ministère pour que les communautés obtiennent enfin le droit de faire intervenir l’équipe d’archéologues argentins ! L’étude du site commence. Le ministère classe enfin ce site au patrimoine national. Mais malgré les tentatives de faire venir les touristes, toujours pas de visites. Les touristes se concentrent sur le salar d’Uyuni, alimentant un tourisme de masse qui ne bénéficie aucunement aux communautés locales. Aujourd’hui, Justinio reste le seul guide de la région habilité à faire découvrir le site archéologique.

Alors, pour varier son activité, Justinio a construit avec ses fils deux petites chambres sommaires (murs en adobe, toit en paille, sol en terre) où il peut accueillir des voyageurs. Il a la chance d’être en contact avec des associations de tourisme solidaire. Donc cette année, malgré l’absence de quinoa, il pourra s’en sortir grâce à la vingtaine de visites qu’il va recevoir.

Bref, si vous voulez visiter le magnifique site archéologique de Santiago et les autres petites merveilles de la région ;

Si vous voulez goûter à la divine cuisine d’Eva (hummmmmm les beignets et les crêpes du matin, hummmmmm les croquettes de quinoa, les beignets de feuille de blette et les petites soupes à l’avoine !) ;

Si vous voulez vous balader au milieu des lamas et découvrir la bergerie de l’abuelito de Justinio (où les enfants ont dégoté de vieux trésors : un vieux réchaud, des couvertures en peau de lama, et même des os de lamas !) ;

Si vous voulez monter dans le clocher de l’église et brûler d’envie de faire sonner les cloches pour rameuter tout le village de Santiago ;

Si vous voulez voir la trop mignonne bouille d’Elena, le bébé qu’Eva garde le matin ;

Si vous voulez faire une partie de futbol avec les enfants du quartier (et il y a le choix niveau terrains…) ;

Si vous voulez juste croiser les yeux plein d’amour de Justinio ou le sourire généreux d’Eva, il suffit de contacter directement Justinio (cesarcalcina04@hotmail.com) ou bien notre super guide franco-bolivien (qui est aussi chauffeur, G.O., baby-sitter… et qui connait absolument tout sur la région et pourra vous la faire découvrir en dehors des sentiers battus) : Diego Levy (+59172257631).

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Et pour ceux qui voudraient les petites histoires de Justinio sur le site d’archéologie, en voici quelques-unes :

– les murailles qui protègent le site font 1 mètre 20… pourquoi si basses ? C’est à peu près la taille des indigènes qui vivaient là au 12ème siècle…
– Justinio nous montre avec quoi ils se battaient : il nous fait découvrir une fronde encore utilisée aujourd’hui pour rassembler les troupeaux de lamas. Evidemment, nous nous essayons tous au lancer de de pierre (on a un peu de boulot…)
– de petites structures en pierre nommées chullpas laissent les archéologues perplexes : petites maisonnettes ? (la fenêtre est quand même un peu haute pour servir d’entrée, non ?) tombeaux ? (c’est le plus probable car on y a retrouvé beaucoup d’ossements) grenier à blé ? (pas mal de semences ont été relevées lors des fouilles)… ou bien garde-manger représentant la ration quotidienne du village ? (il y a en effet plus de 350 chullpas… drôle de coïncidence : une chullpa pour chaque jour de l’année !).
– on apprend que les morts étaient momifiés et que les momies étaient excavées et exposées sur la place principale, entourée d’offrandes, chaque année, pour la fête des morts.
– on découvre aussi des habitations aux cuisines super bien équipées ! four, plan de travail, pilon, garde-manger établi dans la pierre en guise de frigo, cheminée avec système de circulation d’air, banquette pour s’asseoir… bref, presque le confort moderne !
– on découvre les maisons rondes des ères primitives – qu’il faut imaginer avec des parasols en paille en guise de toit (ils devaient se geler là-dedans…) puis les maisons rectangulaires héritées des Incas qui font entrer des charpentes et toits de paille plus couvrants dans l’architecture locale.
– et enfin, on imagine cette plaine magnifique incendiée par les Espagnols, pour éradiquer les Incas, mettant fin à toute occupation humaine.
Oui vraiment, on ne comprend pas pourquoi PERSONNE ne vient visiter ce site !!!

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4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Karine dit :

    J’ai Été absolument captivée par cette belle rencontre et cette famille courageuse et attendrissante. Votre voyage prend une dimension exceptionnelle. Plein de baisers

    1. Et hop ! dit :

      Hello Karine ! Oui, rencontres incroyables. c’est génial d’avoir le temps de partager, discuter, comprendre, questionner. On te raconte bientôt notre passage en Amazonie… assez chamboulant aussi !!!! plein de bises, audrey

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